On est arrivés à Mexico en fin d’après-midi, avec pas mal d’appréhension, vu la taille de la ville. Pas du type peur : on ne s’est jamais senti particulièrement en danger au Mexique. En fait, tous les conseils de prudence qu’on a eus ne correspondent pas pour l’instant avec ce qu’on vit (mais il faut dire aussi qu’on ne s’est pas attardés dans le nord). À Mexico, c’était la difficulté de nous garer, l’étroitesse des rues, la densité de population, de trafic, de bruit, de pollution qui nous faisaient craindre le pire. Heureusement, Steph avait très bien fait sa recherche et il savait où aller (mais ça reste toujours une chance à prendre, quand on confronte Google Earth à la réalité).


Donc après un passage dans la circulation dense et ultra rapide des abords de la ville, on a trouvé un endroit intéressant mais bruyant et passant près d’un Walmart et d’un gros centre commercial, tout près d’un métro. Négociation avec le responsable du stationnement pour nous garer au fond et payer un forfait, heures d’attente, refus, balade le soir pour trouver mieux, finalement une place (trois places de voiture, en fait) s’est libérée dans une portion plus tranquille de la rue. Le lendemain, une petite discussion avec le « responsable » du stationnement dans cette rue – partout au Mexique on voit de ces petits services offerts, comme cet homme qui aide les automobilistes à se garer et surveille la rue durant la journée – et nous étions tranquilles pour la semaine. Une position centrale pour les transports, Walmart pour les courses et les toilettes, et une rue où on dormait sans trop de bruit la nuit : on était prêts pour les visites.


Le premier jour, on a tout de suite opté pour le métro au lieu du taxi, vu le bas prix et la qualité du système. On s’est arrêtés à la bibliothèque centrale, qui m’a fait la même impression que beaucoup d’édifices au Mexique, c’est-à-dire un bâtiment vraiment beau, bien plus remarquable souvent par son histoire que les édifices nord-américains, mais dont « l’intérieur » ne suit pas. Parfois, c’est qu’il n’y a pas de toilettes, pas de système informatique; ici, c’était les collections de livres (en tout cas pour enfants) qui étaient très rudimentaires et l’accès aux ordinateurs, limité. La grande majorité des gens qui travaillaient là le faisaient sur du papier. Arrêt suivant : le musée mural Diego Rivera. Dans les rues où nous passions, des dizaines de mini-comptoirs offraient toutes sortes de tortas, repas sur le pouce, jus de fruits frais, sucreries. C’est le royaume de la bouffe de rue. Devant chaque comptoir, quelques tabourets, où des hommes d’affaires viennent manger à toute heure du jour (on dirait).



Le musée Rivera est surtout consacré à la grande fresque Sueño de una tarde dominical en la Alameda Central, « Songe d'un après-midi dominical dans l’Alameda Central » (parc central de Mexico). Rivera l’a peinte sur le mur d’un hôtel chic en bordure du parc, avec l’aide d’au moins une autre peintre. Après le tremblement de terre de 1985 qui a dévasté l’hôtel, la fresque de 15 m a été déménagée dans ce musée. Elle est impressionnante et on l’a regardée longuement, pour identifier les différents personnages liés à l’histoire mexicaine, dans une sorte de folklore coloré et parfois critique. Au centre, on voit une Catrina, la Mort en vêtements de haute-bourgeoisie des années 20, qu’on retrouve un peu partout au Mexique. À sa gauche, il a placé sa femme Frida Kahlo et une représentation de lui-même enfant. Le reste du musée était surtout consacré à ses peintures lors de séjours en URSS.


Ensuite on a rejoint le cœur de la ville, passant devant le musée des Beaux-Arts en marbre et au dôme doré, puis près de sculptures (dont certaines de Dali) et le long d’une belle rue piétonne mais malheureusement assaillie de petits vendeurs de ci ou ça qu’il fallait franchir comme un mur et qui nous proposaient surtout, bizarrement, des lunettes de prescription prêtes le jour même, ainsi que des tatouages et des piercings. La rue - qui mène du parc Alameda à la cathédrale, au Templo Mayor et au palais national - était finalement très touristique! Nous nous sommes évidemment arrêtés à tous ces endroits. La cathédrale était assez chargée de dorures et, très curieusement, on pouvait y acheter (oui, oui, à l’intérieur!) de petits souvenirs… ça m’a fait penser à l’épisode de la colère de Jésus dans le temple!




Nous n’avons pas pu visiter le palais national, fermé pour cause d’événement présidentiel, mais le Templo Mayor nous a beaucoup intéressés. Ce sont, tout près de la cathédrale, des ruines du temple central des Aztèques (les Mexicas). Il date du 14e siècle et ce sont les Espagnols qui l’ont détruit en bonne partie. C’est là qu’on a compris que Mexico, située au cœur des montagnes environnantes, était autrefois une ville constituée de petites îles sur le lac Texcoco, reliées entre elles pour former une grande agglomération parcourue de canaux, avec le temple et le pouvoir religieux au centre. Il en reste aujourd’hui des canaux qu’on peut parcourir en bateau dans une ambiance très festive à Xochimilco, là où avant les plus riches des Aztèques s’approvisionnaient en fruits et légumes. Les citadins y viennent pour acheter des plantes et semences et manger et boire en famille au son des mariachis, qu’on peut faire venir sur son bateau.



Deuxième jour, les filles et moi nous sommes allées au musée Frida Kahlo. C’est un musée très achalandé mais qui en vaut la peine. Il est installé dans la maison d’enfance de Frida, là où elle a vécu plus tard, seule ou en compagnie de Rivera. L’endroit est superbe, très coloré, avec une grande cour intérieur débordante de végétation, sur laquelle ouvrent les portes fenêtres de toutes les pièces pleines de tableau de Frida, d’artisanat et d’objets de leur vie. Toute une section est consacrée aux robes de Frida, qui servaient autant à célébrer le folklore traditionnel qu’à cacher, parait-il, son infirmité (venue d’une polio qui lui a laissé une jambe plus courte et d’un grave accident d’autobus qui lui a couté des dizaines d’opérations). On y voit aussi plusieurs de ses corsets thérapeutiques, béquilles, prothèse ou chaussures adaptées. On constate surtout comment sa souffrance a été combattue par son art.


La journée s’est terminée sur un arrêt en famille à la cité universitaire (inscrite, tout comme le Centre de Mexico, au patrimoine de l’UNESCO) où on a pu voir de grandes fresques de Rivera sur les bâtiments, dont une, immense, entourant la bibliothèque centrale. On y est entrés : impossible d’avoir un accès gratuit à un ordinateur (il y en a assez peu), les livres sont vieillots et il ne semblait y avoir qu’une seule salle de bain pour tout l’immeuble, donc dans un état lamentable.



Finalement, nous avons passé une grande partie du troisième jour au musée d’anthropologie et d’ethnologie, où beaucoup d’artefacts nous ont vraiment intéressés. Une des sculptures, l’Arbre de vie, rendait vraiment bien l’impression que fait le Mexique : tout semble folkloriquement réuni et présent sur un même plan, le présent, le passé, les divers peuples, les diverses croyances, la mort, la vie, les couleurs, la saleté, le fouillis inclusif – comme dans la fresque de Rivera. En dinant à l’extérieur, on a assisté à une danse rituelle des Voladores : quatre hommes grimpent en haut d’un mât de 30 m, évidemment sans aucune protection, attachent une corde à leur pied ou à leur taille et, au son de la flute d’un cinquième assis au somment, se laissent tomber la tête vers le vide et tournoient jusqu’en bas.




Caro


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