Au Nicaragua, la vie est devenue plus facile : les routes sont belles en général et les gens rigolent sur notre passage, ayant réalisé à la dernière minute qu’on n’est pas l’autobus qu’ils croyaient prendre. Les collectivos là-bas sont des autobus scolaires Blue Bird peints de toutes les couleurs, jamais les mêmes et qui ont gardé l’oiseau icône de la marque, souvent peint en rouge. Il ressemble pas mal au dessin d’une chaine de restos d’ici, le Pollo Loco, le poulet fou : c’est peut-être par association d’idées que les gens appellent ces autobus les Chicken Bus.


C’est donc pour un chicken bus que les gens nous prennent toujours, levant la main quand ils nous aperçoivent au loin pour demander un arrêt. Quand ils nous voient de proche, ils sont crampés. Même les policiers (reconnus pour arrêter souvent les touristes et leur soutirer de l’argent sous plusieurs prétextes) semblent juste réaliser trop tard, à notre passage, qu’on est en fait un VR.


À l’aller, nous longeons l’ouest du Nicaragua, près de l’océan Pacifique (mais sans aller au bord de l’eau) en suivant une ligne de volcans, dont certains encore actifs. Il n’y a que cette partie du pays qui est vraiment développée, peu de routes menant à la côte caraïbe. Nous nous arrêtons d’abord à León, ville reconstruite à plusieurs kilomètres de son lieu d’origine après que le volcan Momotombo ait fait éruption en 1610 et l’ait détruite. Là, on réussit à dormir sur le stationnement d’un petit centre commercial à proximité du centre-ville, même si au départ les gardiens se montraient réticents – c’est un bon arrêt où on a internet, de la place, et même à la fin le droit de remplir notre réservoir d’eau potable à même le tuyau d’arrosage du jardinier. Au cours de cet arrêt, nous en profitons pour visiter la cathédrale de León, sur le toit de laquelle on monte pour admirer une partie de la ville. Le soleil est dense, le toit blanc couverts de bulbes est aveuglant, mais près de la balustrade on reçoit un vent merveilleux.



Le soir, on atteint León viejo et Nina joue un peu dans le lac alors qu’on regarde fumer le Momotombo. Il fume ainsi presque chaque jour, mais les gens ne sont pas trop inquiets. En 2015 ils l’ont été, lors d’une grosse éruption, mais la lave a finalement coulé sur le versant opposé au village. Partout où des gens habitent encore, près des ruines espagnoles, une sorte de sable noir, mélange de terre et de cendres, recouvre les rues. Au matin, les femmes balaient cette poussière noire devant leur maison (elles soulèvent en fait des nuages de sable) et puis l’arrosent pour qu’elle soit moins volatile. Les plus riches, qui ont un tuyau d’arrosage au lieu de seaux, peuvent dépenser autant d’eau à arroser leur terre que nous, notre gazon.



À cause de la chaleur difficile à supporter, les gens vivent tard le soir et très tôt le matin (à 6 h du matin, les rues débordent d’activités, tout le monde levé depuis longtemps qui prennent une pause dans leurs activités pour jaser entre voisins). Pour nous qui dormons toutes fenêtres ouvertes, ça fait une petite nuit, qui déjà commence tard, après que toute la musique se soit apaisée, et qui se poursuit entrecoupée des cris de coqs (qui n’ont pas d’heure, et même on dirait aiment particulièrement 3 h du matin) et des aboiements constants des chiens.


Aux ruines de León viejo (UNESCO), on nous fournit une guide, qui rend la visite beaucoup plus intéressante. D’habitude on s’en passe, puisque les guides sont toujours payants. Elle nous parle des aperramientos que pratiquaient les Espagnols (jeter des hommes vivants aux chiens pour qu’ils soient dévorés), puis de Córdoba et Pedrarias Dávila, qui a ordonné la décapitation de ce dernier, enterrés côte à côte sous l’ancienne cathédrale.


Les ruines qu’on voit sont celles des bâtiments les plus riches, notamment la maison immense d’un commerçant et l’endroit où les Espagnols fondaient l’or des Incas et marquaient au fer rouge, avec un symbole différent, les esclaves destinés à aller récupérer l’or ou à devenir de la main-d’œuvre militaire. Plusieurs fruits que nous ne connaissons pas et dont elle nous décrit la saveur poussent sur le site, ainsi que des noix de cajou, chacune dans sa cosse verte (semence) sous un fruit en forme de poivron qui se mange également (mais possède une saveur amère).  


Nous atteignons ensuite le volcan Masaya, dans le but de monter au cratère pour observer la lave. Sur place, on apprend qu’un tarif différent s’applique avant ou après 17 h, car la lave est beaucoup plus apparente en soirée. Malheureusement, nous manquons de temps et de fonds pour attendre la fin de journée. On monte donc au volcan (avec Vagabus) à 16 h 30, quand le soleil permet de mieux voir. Le site est vraiment impressionnant, le cratère fume sans arrêt. Tout au fond, quand la fumée opaque se disperse un peu, on voit de la lave palpiter. Par contre, le niveau est trop haut pour qu’on puisse tenter une randonnée sur une élévation proche pour voir mieux : on a seulement le droit de rester 5 min près du cratère. De nombreux oiseaux, qui ressemblent à des perroquets verts, tournoient dans la fumée : ils sont capables de résister aux émanations toxiques et nichent dans les anfractuosités du cratère, protégés ainsi de leurs prédateurs.



Le lendemain, on monte au mirador de Catarina pour observer la lagune d’Apoyo. Ancien cratère gigantesque, l’endroit est devenu un lac, comme ça se produit souvent quand le volcan, sous l’impact de l’explosion, s’est effondré sur lui-même. Le paysage est vaste et on distingue au loin le lac Nicaragua. Après tant de jours sans nous doucher, le vent du large nous fait revivre.



Granada, sur les bords du lac Nicaragua, nous plait beaucoup. La ville est colorée, calme, stimulante. Marchant toujours du côté ombre de la rue, c’est capital, on passe devant des hôtels avec hamacs et piscines dans leur cour intérieure. Ça nous va droit au cœur. On aurait aimé Steph et moi y passer quelques jours à deux, aller de bars en bars en restos. 



Dernier arrêt avant la frontière du Costa Rica : l’île d’Ometepe sur le lac Nicaragua, où se trouvent deux volcans. On voulait y camper, mais nos démarches pour nous renseigner nous font changer d’avis pour l’instant. D’abord, désolée de le répéter, chaleur, sueur, fatigue et humidité se mélangent pour rendre toute démarche pénible et toute attente difficile à envisager. Les démarches, il faut les mener auprès de plusieurs agences différentes et autres autorités du port, dans un embrouillamini où on comprend, plus on avance, que tous les frais s’additionnent et qu’aucune agence ne peut nous proposer de forfait unique et clair (il faut payer un droit d’entrée au port par personne, un autre pour le véhicule ailleurs, un droit de retour à un troisième endroit, les frais de transport à un quatrième…). La facture devient assez élevée. L’attente durerait au minimum jusqu’au lendemain car il n’y a plus de place sur les bateaux le jour même.


On décide de s’essayer au retour, en arrivant plus tôt le matin, si le budget le permet. Pour l’instant, on se dirige vers le Costa Rica un peu plus tôt que prévu. Quelques semaines plus tard, on revient sur nos pas, mais sans s’arrêter à Ometepe : un peu de lecture sur le sujet nous a fait changer d’idée. Finalement, ça ne nous parait pas pour nous, la randonnée vers les volcans pas très satisfaisante et le lieu surtout fait pour la fête. Nous retraversons le pays vers le Honduras, en nous arrêtant seulement pour dormir. Il fait toujours très chaud, les arbres sont secs et avec moins de feuilles, la saison sèche est à son apogée.

Caro


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