4 juillet 2018, nous quittons la péninsule de la Basse Californie pour le « continent », direction Mazatlán. Nous embarquons en soirée pour une traversée de 13 h qui, selon les différents forums de voyageurs, s’avère être pénible et fatigante! Nous mettons toutes les chances de notre côté en nous offrant une cabine tout confort avec 4 couchettes et salle de bain (car nous sautons sur toutes les occasions pour prendre une douche…). Le repas du soir était même inclus, pas de quoi se plaindre! Le voyage s’est dans l’ensemble bien passé, mais il fallait faire avec le vrombissement incessant de la machinerie du bateau, les alarmes des voitures dans la cale qui partaient au moindre tangage, le super ronfleur de la chambre d’à côté et la petite nuit de Lou Andrea qui ne tripe pas à l’idée de se retrouver sur l’eau au milieu de nulle part!


Une fois débarqués, nous roulons 450 km en direction de Téquila, car comment venir au Mexique sans aller voir de plus près la fabrication de cette spécialité mexicaine! Même quand la route est longue, j’aime véritablement conduire, c’est comme faire de la randonnée, que j’adore également, juste avec le calme et le bon air en moins. On avance et, à chaque courbe, chaque sommet, on découvre ce qu’il y a derrière et ça recommence à l’infini, impossible de s’arrêter! Même avec la petite nuit que nous avons eue, je suis capable d’enfiler les kilomètres. Mais conduire une si grosse machine (12 mètres de long, 3,5 mètres de hauteur et 11,5 tonnes) requiert malgré tout une grande vigilance : tous mes sens sont en action, surtout l’ouïe, car je suis vigilant au moindre bruit ainsi qu’à la fumée odorante et suspecte des freins, du moteur qui chauffe… c’est fatiguant, mais j’aime ça !


Kilomètre 400, un bruit suspect sur la chaussée, un coup d’œil au rétro : je viens de perdre quelque chose. Je reconnais vaguement mon cache de phare avant gauche qui me cause problème depuis quelque temps. Je m’arrête sur le bas-côté, effectivement mon phare pendouille au bout de son fil (une chance, s’il était tombé, s’en était finit pour lui et encore beaucoup de $$ pour le remplacer). Le cache qui retenait le phare traine quelque part sur la chaussée. Ça fait 3 fois que j’essaie de réparer ce problème, mais les routes sont tellement mauvaises qu’il perdure : courbes dangereuses, trous énormes, manque de bitume par-ci par-là et les fameux topes (prononcez « topesses), des espèces de dos d’âne (ralentisseurs) monstrueux à chaque entrée et sortie de villes. Bref beaucoup de bang bing bang qui, à chaque kilomètre, font souffrir notre Vagabus…


Finalement, nous arrivons à Tequila, que nous traversons sans vraiment trouver une place où nous installer pour la nuit. À la sortie de la ville, nous prenons une des rares voies asphaltées qui quitte la voie principale, nous passons sous un pont tout juste dimensionné pour le bus (en hauteur et en largueur) et bang, cul de sac, pris encore une fois pour faire demi-tour dans un mouchoir de poche. Mat sort pour l’assistance et nous voilà reparti dans la nuit qui tombe, avec un seul phare, 9 h de conduite dans le corps.


Bref, nous avançons sans trouver de place, je n’y vois pas grand-chose avec un seul phare et curieusement, le trafic est dense et il semble y avoir beaucoup d’animation à chaque place de village que nous traversons! Finalement, dans un village je décide de m’infiltrer dans une rue puis à la première place que je trouve, stop, la soirée peu enfin commencer. Dehors il y a beaucoup d’animation, de la musique, des cris, des gens qui fêtent, on dirait une fête foraine. On ne savait pas encore ce que signifiait le 4 février pour les Mexicains (pour moi, c’est surtout la fête de mon papa!). On a appris plus tard que le jour férié est en fait le 5 février, jour de proclamation de la Constitution mexicaine.


Eh oui, comprendre ce qui se passe est une découverte constante, car nous ne voyageons pas avec des guides de voyage et nous n’avons pas toujours toutes les infos sur ce qui nous entoure. Nous avançons plutôt comme ça nous vient, en nous informant bien sûr dans les centres touristiques (quand il y en a) et sur internet (quand on trouve une connexion). Nous préparons le plus à l’avance les choses à faire et à ne pas rater (sites UNESCO, merveilles naturelles, incontournables culturels, infos locales), mais nous sommes en général notre propre guide et on avance au rythme des nomades-voyageurs…


22 h, notre soirée se termine, nous sommes bien fatigués et toute la famille part se coucher mais quelques verres de pinot gris et de rhum m’ont rendu curieux de cette effervescence populaire. Je décide de partir à la découverte de ce qui se passe véritablement autour de nous. Je marche dans le village, la fête est à chaque coin de rue, de la musique mexicaine, des enfants qui jouent dans les animations rudimentaires de fête de foraine et des kiosques de nourriture partout (tacos, tortas, empenadas). J’erre longtemps dans les rues de ce village, je me sens bien.


Enfin, l’authenticité que je recherchais... le monde est festif, joyeux. Je continue dans ce dédale de rues et, au détour de l’une d’elles, je vois une foule assise face à une maison comme si un spectacle allait avoir lieu. Je m’approche et non, en fait, c’est une veillée funéraire. Tous les voisins, la famille et les amis se sont rassemblés pour célébrer la personne disparue. Je m’assois un peu en retrait. Il n’y avait pas de tristesse, les hôtes avaient préparé un repas pour tous les convives, la musique traditionnelle mexicaine accompagne le jeu des enfants, tout le monde semblait malgré tout sur un air de fête. C’est vraiment une autre façon de d’aborder la « mort ». J’y suis resté un bon moment.


Je continue mon chemin et je me retrouve sur la place du village devant l’église. Les cloches sonnent, il est 1 h du matin. Les enfants jouent toujours, à ce qui ressemble à une sorte de « police et voleurs » (une tag), l’animation bat son plein, je suis bien, comme si j’étais à ma place, personne ne me dévisage comme un gringo. Bon, le récent bronzage m’aide un peu J! Les gens sont à table et l’odeur de tous ces kiosques ambulants me décide. Je me laisse tenter : ce sera une « tortas », un sandwich grillé et mariné à je ne sais quoi avec de la viande, de l’avocat et des piments (forts en tabarnouche). C’est bon, je suis content, tout le monde semble heureux, je me sens privilégié d’avoir vécu cette soirée.


Ding, dong, il est 2 h, la fête tire à sa fin, la musique s’adoucit, les maisons se ferment, certains rentrent chez eux à cheval, à mon tour je vais me coucher. Voilà mes premières impressions du Mexique, pas de photos cette fois-ci, car ce que j’ai vécu pendant cette soirée ne s’illustre pas mais se vit. J’espère vous avoir quand même partagé cette sensation qui résume ce pour quoi je voyage, découvrir ce qui nous est inconnu, même si cela nous est totalement différent. C’est en général ce qui nous rend plus « riches ».


Stéphane